Chronique parue dans Stratégies le 13/06/19.
Trois chiffres permettent de mesurer à quel point l’enjeu des compétences est devenu central dans notre société.
- 64% (1) des actifs estiment qu’ils « auront envie de changer d’employeur, de secteur d’activité ou de métier au cours de leur vie professionnelle ».
- 58 % des chefs d’entreprise considèrent que « développer les compétences de ses collaborateurs » est une priorité, juste derrière l’amélioration de leurs offres et leur rentabilité.
- 72 % des Français jugent que « former les collaborateurs aux compétences de demain » est leur première attente envers l’entreprise.
La prise de conscience collective s’est faite en quelques années sous le double effet, d’une part du chômage élevé qui persiste dans notre pays en frappant d’abord les moins qualifiés, et d’autre part des profonds bouleversements actuels et à venir de l’emploi.
Formation : le compte n’y est pas
Mondialisation et concurrence de salariés à bas coût, disparition de certaines fonctions dans l’entreprise, développement de la robotisation, émergence de l’intelligence artificielle, apparition de nouveaux métiers, le salarié comme l’étudiant savent bien que le parcours linéaire d’une carrière professionnelle construite dans un même secteur d’activité, ou autour d’un seul métier est bel et bien derrière eux. Ce qui est frappant dans le premier chiffre cité plus haut, c’est de constater que ce changement n’est pas appréhendé comme une contrainte, qu’il n’est pas subi comme une réponse à une menace de perte d’emploi, mais pour une majorité comme l’envie d’avoir, tout au long de sa vie, d ‘autres envies professionnelles.
C’est bien là le défi majeur auxquels sont confrontés les entreprises, les pouvoirs publics, les salariés eux-mêmes. Comment donner au plus grand nombre les moyens de ces envies de changement ? Comment éviter, au-delà même du chômage, que certains soient assignés tout au long de leur parcours au même emploi, alors que d’autres disposeraient des atouts leur permettant d’être mobile professionnellement, d’évoluer, d’apprendre, et donc de pouvoir choisir d’exercer un autre métier ? Comment faire que la mobilité professionnelle ne soit pas une injustice supplémentaire, entre ceux qui auraient le capital culturel, la richesse d’expériences multiples, un large accès aux formations ? Ce dernier point devient alors crucial quand on sait que les trois quarts des actifs qui souhaitent changer de métier ou de secteur d’activité déclarent ne pas avoir en avoir bénéficié dans les cinq dernières années. Pour atteindre la nouvelle frontière de l’employabilité, c’est l’accès aux formations qui apparait aujourd’hui comme une nouvelle barrière.
Un enjeu de fidélisation et d’attractivité
Dans cette bataille de l’employabilité, les métiers de la communication et des études ont beaucoup d’atouts à faire valoir. Impactés comme les autres secteurs par les menaces de destruction d’emploi, ils peuvent en revanche compter sur la croissance de la demande, les nouveaux modèles, les révolutions technologiques, pour rester attractifs. Du créatif au community manager, du data-planner à l’influenceur, les besoins liés à la mondialisation des marques comme à la proximité font émerger des échelles territoriales différentes. Eternellement tiraillés entre généralistes et spécialistes, nos métiers peuvent offrir plusieurs cursus à des profils et expériences différentes. Enfin face aux évolutions du rapport au travail, à la remise en question du salariat, des formes de collaboration plurielles donnent des rythmes de vie professionnelle différents. La capacité à accompagner les parcours professionnels peut donc être demain un puissant levier de fidélisation et un élément essentiel d’attractivité des métiers de la communication et des études. À condition bien sur de considérer l’employabilité comme un enjeu majeur, c’est-à-dire à ne pas le laisser engloutir sous toutes les urgences, ne pas le reporter systématiquement après la compète à boucler, ne pas le regarder uniquement sous le prisme de l’Ebit, ce qu’en agence nous n’avons pas toujours fait.
C’est donc un chantier de grande ampleur qui dans tous les secteurs professionnels s’ouvre devant chacun d’entre nous, un chantier à responsabilité forcément multiple. À l’entreprise d’anticiper sur les emplois de demain et de permettre au collaborateur de s’y préparer. À l’État de simplifier réellement le système comme la réforme en a tracé la perspective. Aux organismes de formation d’adapter leurs offres pour améliorer leur efficacité opérationnelle. Au salarié qui s’y déclare prêt (2) de s’investir dans sa formation. La bataille de l’employabilité est un combat collectif qui peut rassembler et porter une belle promesse : celle de pouvoir choisir une grande partie de sa vie, sa vie professionnelle.
Bernard SANANES