Pratiques addictives en milieux pros : une réalité compliquée pour les salariés

Les pratiques addictives jugées assez fréquentes en milieu professionnel

44 % des salariés dans des structures de plus de 10 salariés estiment fréquentes les pratiques addictives dans leur milieu professionnel (7 % très fréquentes et 37 % plutôt fréquentes) et 56% les estiment pas fréquentes (12 % pas du tout fréquentes et 44 % plutôt pas fréquentes).

Cette évaluation de la fréquence des pratiques addictives varie principalement selon deux critères : l’âge et la situation financière du salarié.

  • Il est probable qu’il existe une représentation différente des pratiques addictives en fonction des générations concernées :
    • D’un côté, étant moins sensibilisés vis-à-vis de celles-ci, les salariés de plus de 50 ans les estiment moins fréquentes (37 %) ;
    • et d’un autre côté, étant plus sensibilisés sur ces questions, les salariés de moins de 50 ans étant plus sensibilisés sur ces questions les jugent plus fréquentes (46 % des 15-24 ans et des 25-49 ans).
  • Alors que lorsque l’on prend en compte la situation financière des salariés, il est probable que les écarts soient davantage liés à une exposition directe plus fréquentes aux pratiques addictives, et non pas à une question de représentation :
    • 53 % des salariés qui déclarent se restreindre pour finir leurs fins de mois estiment fréquentes les pratiques addictives dans leur milieu professionnel, contre 40 % pour les salariés qui ne se restreignent pas.

C’est d’ailleurs parmi les catégories socio-professionnelles plus précaires financièrement (49 % chez les ouvriers) et dans les secteurs d’activité les plus durs physiquement (50 % dans le secteur des transports caractérisé par la solitude du travail, 48 % dans le secteur de la construction) que l’on observe le plus grand nombre de salariés qui jugent fréquentes les pratiques addictives dans leur milieu professionnel.

Des salariés en déficit d’information sur la manière dont aborder le sujet

Dans la situation où un collègue ou un collaborateur aurait des problèmes liés à une addiction, 70 % des salariés dans des structures de plus de 10 salariés se sentent mal informés sur la manière dont aborder le sujet avec le collègue ou collaborateur concerné (19 % très mal informés et 51 % plutôt mal informés), et 30 % se déclarent bien informés (mais seulement 4 % très bien informés, et 26 % plutôt bien informés).

  • Ce manque d’information sur ces questions touche l’ensemble des catégories d’âge et des catégories socio-professionnelles salariées.
  • A noter que plus la taille de l’entreprise augmente et plus ce sentiment de manque d’information est répandu : il est supérieur à 75 % chez les salariés d’entreprises de 1 000 salariés et plus, alors qu’il est de 64 % dans les petites et moyennes entreprises (10 à 249 salariés).
  • Des écarts existent également en fonction du secteur d’activité : 78 % des salariés travaillant dans le secteur de l’industrie s’estiment mal informés, 76 % dans le commerce, 75 % dans la finance, l’assurance et l’immobilier, 69 % dans les transports, 66 % dans le secteur de la construction, 60 % dans l’administration publique et 45 % dans le secteur de la santé.

Vers qui se tourner si un collègue a des problèmes d’addiction ?

Dans la situation où un collègue ou un collaborateur aurait des problèmes liés à une addiction, les salariés solliciteraient en premier les proches du collègue ou du collaborateur (57 %, dont 31 % qui citent cette option comme 1er choix). Ensuite les salariés se tourneraient vers les acteurs du monde du travail :

  • la médecine du travail (52 %, dont 14 % comme 1er choix),
  • le supérieur hiérarchique (44 %, dont 19 % comme 1er choix),
  • et les représentants du personnel (36 %, dont 9 % comme 1er choix).

Plus loin, cités par moins de 3 salariés sur 10, ces derniers solliciteraient les services des ressources humaines (29 %, dont 6 % en 1er), des associations de soutien (28 %, dont 6 % en 1er), un médecin expert en addictologie (24 %, dont 7 % en 1er), le médecin traitant (18 % dont 6 % en 1er) et le service prévention, santé-sécurité (HSE)[1] (13 %, dont 4 % en 1er).

Mais selon la nature de l’employeur (privé ou public) et selon la taille de l’entreprise on constate des variations dans les acteurs sollicités :

  • Dans les entreprises privées de 1 000 salariés et plus, 34% des salariés solliciteraient le service prévention santé-sécurité, ce qui en fait au même titre que les services des ressources humaines un des acteurs du monde du travail vers qui les salariés se tournent en cas de problème.
  • Dans les entreprises privées de 10 à 999 salariés, on constate que par rapport aux entreprises de plus de 1 000 salariés qui possèdent plus de ressources internes, les salariés solliciteraient davantage des acteurs externes au monde du travail, notamment des associations de soutien (34 %, +14 points) et un médecin expert en addictologie (26 %, +10 points). Les salariés d’entreprise de 10 à 250 salariés sont même 34 % à citer un médecin expert en addictologie.
  • Dans le secteur public, c’est la médecine du travail qui est l’acteur le plus cité (59 %, +11 points par rapport aux salariés d’entreprises privées de 10 à 999 salariés). Les médecins experts en addictologie y sont également plus cités que dans le secteur privé (33%, +17 points par rapport aux salariés d’entreprises privées de 1 000 salariés et plus).

Des mesures ciblées mais aussi des mesures globales dans l’entreprise jugées le plus efficace pour prévenir les pratiques addictives au travail.

Les salariés ont été Interrogés sur l’efficacité d’une série de mesures afin de prévenir et de lutter contre les pratiques addictives au travail. Ces mesures peuvent être divisées en trois groupes : les mesures ciblées, les mesures globales et les mesures coercitives.

  • Les mesures ciblées sont des mesures qui visent à agir directement auprès de la personne ayant des problèmes d’addictions au travail en lui fournissant des canaux de communication et de confrontation.

C’est parmi ces mesures que se trouve la mesure jugée la plus efficace par l’ensemble des catégories d’âge et sociales salariées : l’entretien individuel avec la personne concernée (77 % efficace). Suivent :

  • L’orientation vers le médecin du travail (72 % efficace)
  • La mise en place de référents internes sur les questions d’addictions dans l’entreprise (64 %)
  • La sollicitation des représentants du personnel (50 %, citée notamment par 70 % des ouvriers).
  • Les mesures globales sont des mesures qui sont liées à une démarche collective de la part de l’entreprise (formation, actions ponctuelles, etc.). Le fait de mettre en place dans l’entreprise d’une politique globale de santé, de sécurité et de prévention des addictions est jugée efficace par 75 % des salariés, et l’intervention d’un consultant externe en addictologie par 73 %. Suivent :
    • L’intervention d’un patient-expert (70 %)
    • La formation de l’encadrement (69 %, jugée efficace notamment par 77 % des 15-24 ans)
    • Des actions ponctuelles de sensibilisation (journées sécurité et qualité de vie au travail, mois sans tabac, etc.) (67 %)
    • La réalisation d’une campagne d’affichage sur les risques liés aux addictions (52 %, jugée efficace notamment par 70 % des 15-24 ans)
  • Les mesures coercitives sont des mesures visant à encadrer, dépister ou interdire les pratiques addictives. Parmi ces mesures se sont les dépistages de stupéfiants (62 %) et d’alcool (60 %) qui sont jugées les plus efficaces pour prévenir et lutter contre les pratiques addictives au travail, suivies de près par l’interdiction de la consommation d’alcool (59 %). Plus loin les mesures administratives comme l’encadrement de l’organisation de pots par une note de service (52 %), le réaménagement du règlement intérieur (46 %) et des mesures disciplinaires (44 %) ne convainquent pas les salariés de leur efficacité.

Sur ces mesures coercitives, on observe un écart d’évaluation entre les générations et entre les catégories socio-professionnelles :

  • Plus on est jeune et plus on juge efficace les mesures coercitives pour prévenir et lutter contre les pratiques addictives au travail :
    • Mesure disciplinaire : 59 % efficace chez les salariés de 15-24 ans contre 33 % chez les plus de 50 ans.
    • Dépistage (alcool et stupéfiants) : 70 % efficace en moyenne chez les salariés de 15-24 ans contre 58 % en moyenne chez les plus de 50 ans.
    • Les catégories sociales populaires jugent plus efficace que les catégories sociales aisées les mesures coercitives :
      • Mesure disciplinaire : 57 % efficace chez les ouvriers salariés contre 49 % chez les employés, 42 % chez les professions intermédiaires et 35 % chez les cadres.
      • Dépistage (alcool et stupéfiants) : 73 % efficace en moyenne chez les ouvriers contre 55 % en moyenne chez les cadres.

Les outils d’écoute et de dialogue arrivent en tête des outils numériques jugés utiles pour la prévention des pratiques addictives

Interrogés sur l’utilité d’un certain nombre d’outils numériques pour la prévention des pratiques addictives, les salariés sont plus de 6 sur 10 à les jugent utiles.

Les outils numériques d’écoute et de dialogue enregistrent des scores très élevés :

  • Une ligne d’écoute pour avoir des conseils pratiques sur la manière d’aborder le sujet avec un collaborateur ou collègue est jugée utile par 82 % des salariés (25 % tout à fait et 57 % plutôt)
  • Une consultation avec un patient-expert est jugée utile par 75 % des salariés (19 % tout à fait et 56 % plutôt).

Les outils numériques qui permettent de réaliser une auto-évaluation et de pouvoir faire ses propres recherches sur les services de soins sont aussi très bien jugés par les salariés :

  • Un test en ligne d’auto-évaluation de ses comportements addictifs est jugé utile par 74 % des salariés (22 % tout à fait et 52 % plutôt).
  • L’accès à un annuaire national géolocalisant les services de soins en addictologie est jugé utile par 73 % des salariés (21 % tout à fait et 52 % plutôt)

Enfin la téléconsultation avec un spécialiste via visio-conférence et l’accès à la législation et les procédures en vigueur dans l’entreprise sont jugées utiles respectivement par 65 % et 63 % des salariés.


[1] Cet item a été posé uniquement aux salariés d’entreprises de 1 000 salariés et plus, c’est-à-dire à 323 salariés sur un échantillon de 1 001 salariés.

Communiqué de presse : https://gaeconseil.fr/wp-content/uploads/2019/11/CP-SONDAGE-ADDICTION-GAE-ELABE-2019.pdf

Dossier de presse : https://gaeconseil.fr/telechargement-du-livret-sondage/