Les Mots du 2nd tour de l’élection présidentielle


Le 23 avril 2017, cinq forces représentant près de 9 Français sur 10 s’étaient exprimées : les électeurs des 4 candidats arrivés en tête, et les abstentionnistes. Quinze jours plus tard, les Français ayant choisi de se rendre aux urnes (près de 75%) n’avaient plus le choix qu’entre deux candidats, deux projets diamétralement opposés. Les mots du 2nd tour apportent un regard original sur les concepts qui semblent opposer le plus ces deux France du 7 mai 2017.
La question identitaire est LE sujet de divergence entre électeurs d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.
Immigration, Islam, réfugiés, migrants, multiculturalisme et Europe sont les mots qui présentent le plus gros écart de perceptions entre les deux électorats (entre 2,5 et 3 points de différence). Les quatre premiers mots suscitent de réelles crispations pour les électeurs de 2nd tour de Marine Le Pen (notes comprises entre 1,3 et 1,8/10 N/P) alors que ceux d’Emmanuel Macron, sans porter un regard positif, sont plus partagés (3,9 à 4,5 N/P). A l’inverse, pour Europe et multiculturalisme, ces derniers font cette fois preuve d’un certain enthousiasme (6,7 et 6,8 N/P), contrastant avec la distance des électeurs lepénistes (3,9 N/P). Dans la journée du 7 mai, c’est en quelque sorte à un référendum que les votants ont dû répondre : Pour ou contre la réduction drastique de l’immigration légale ? Pour ou contre l’ouverture à l’Europe ?
Voter pour Marine Le Pen qui déclarait le 17 avril 2017 à La Villette « Je déciderai d’un moratoire sur toute l’immigration légale pour arrêter ce délire, cette situation incontrôlée qui nous entraîne vers le fond » ou pour Emmanuel Macron qui déclarait à Londres le 21 février 2017 « ce projet, cette transformation […], nous ne pourrons la faire qu’avec l’Europe. C’est pour ça que vous m’avez toujours entendu défendre l’Europe, que je me félicite qu’on ait des drapeaux européens dans nos rassemblements… » ?
Bien moins souvent évoquée, la relation avec la démocratie et l’Etat constitue la seconde opposition la plus marquée. Au sortir d’une séquence électorale qui a vu leur candidat accéder à la présidence de la République puis disposer d’une large majorité à l’Assemblée nationale, les électeurs d’Emmanuel Macron ont une perception très positive de la démocratie, et plus largement de son fonctionnement actuel (7,8 N/P).
Si Marine Le Pen, au travers de sa stratégie de « dédiabolisation » du FN, a entamé ces dernières années une réconciliation avec celle-ci, le scrutin majoritaire à deux tours ayant défavorisé les candidats FN aux dernières élections législatives a surement pesé dans la balance au moment d’évaluer la notion de démocratie (5,8 N/P). Autrement dit, on retrouve ici le sentiment d’une démocratie défaillante, pas assez représentative.
Les électeurs de Marine Le Pen font également part d’une défiance à l’égard de l’Etat (3,9 N/P) : un Etat considéré comme défaillant face aux menaces extérieures ? Laxiste par rapport au sentiment d’insécurité quotidienne ? Critique du système, de l’« Etat profond », concept emprunté par Marine Le Pen à Donald Trump, désignant les organisations qui influenceraient dans l’ombre le gouvernement d’un pays ? L’ensemble de ces hypothèses pourraient expliquer cette perception négative de l’Etat.
Alors que la persistance du clivage gauche/droite alimente aujourd’hui certains débats, ces résultats dessinent ceux qui ont été les plus opérants le 7 mai. Si nous devions n’en retenir que deux, la perception de l’immigration et la relation avec l’Etat et son fonctionnement sont les sujets sur lesquels les deux France du 7 mai 2017 s’opposent le plus. A l’inverse, si un sujet devait les réunir, ce serait la figure du Général de Gaulle (7,0 N/P pour les deux électorats). Protecteur de l’identité française, homme de la Résistance, inspirateur de la Constitution, il apparait pour beaucoup comme le symbole de la grandeur de la France.