Dépendant de mes écrans
La réponse est oui, pour un Français sur trois (34% attribuant une note comprise entre 6 et 10 sur une échelle de dépendance de 0 à 10, dont 11% une note comprise entre 8 et 10).
Mais 66% ont le sentiment d’être maîtres de leurs écrans. 85% se jugent zen face aux notifications, mails, messages et appels qui font sonner ou vibrer leur téléphone mobile ou tablette. Et près de trois Français sur quatre (73%) estiment qu’il est facile d’évaluer le temps qu’ils passent devant leurs écrans chaque jour.
Ni dépendance, ni stress, une majorité juge entretenir une relation parfaitement choisie, saine et contrôlée avec son smartphone, sa tablette, sa télévision, son ordinateur, …
Et pourtant …
Pourtant les indices contredisant ce sentiment de contrôle, de sérénité et de « raisonnable » consommation s’accumulent et interrogent :
- Les Français estiment en moyenne à 4 heures et 6 minutes le temps quotidien passé devant leurs écrans, temps professionnel inclus pour les actifs. Or, le temps passé chaque jour devant les seuls programmes TV est de 3 heures et 36 minutes, tous écrans et tous lieux confondus (étude Médiamétrie L’année TV 2018) … Et les 11% de Français qui utilisent une application mesurant le temps qu’ils passent devant leur mobile ou leur tablette sont 77% à admettre qu’en fait ils se trompent très régulièrement, la plupart sous-estimant ce temps. Est-ce vraiment si facile d’évaluer le temps que nous passons devant nos écrans ?
- Par ailleurs, 11% des Français affirment qu’ils ne supporteraient pas l’absence de leur mobile plus d’1 heure, 37% admettent que s’en passer plus d’une demi-journée n’est pas envisageable. Et près d’un quart (23%) se juge incapable de vivre sans plus d’une journée. Le sentiment de manque ne tarde pas bien longtemps à se faire sentir …
On le comprend bien lorsque les Français font le récit d’un quotidien dans lequel l’écran n’est jamais loin :
- Mobile et tablette sont régulièrement les premiers compagnons consultés au réveil pour 61% des Français (dont 17% souvent et 13% toujours ; un réflexe quotidien qui concerne 28% des 15-17 ans).
- Près de 6 sur 10 (58%) éparpillent leur attention entre télévision, mobile ou tablette (dont près de 2 sur 10 regardent très régulièrement un film en même temps qu’ils consultent l’écran d’un mobile ou d’une tablette, une habitude pour 39% des 15-17 ans et 43% des 17-24 ans).
- 46% vont aux toilettes en compagnie de leur mobile ou de leur tablette (dont près de 2 sur 10 très régulièrement, et 60% des 15-17 ans souvent ou toujours)
- L’écran s’invite également de temps en temps à nos repas de famille (38% des Français admettent qu’il leur arrive de le consulter à cette occasion). Et s’il est plus souvent l’ami de nos adolescents et jeunes adultes (59% des 18-24 ans déclarent le faire, en majorité de temps en temps ou rarement), les plus de 25 ans ne sont pas étrangers à la présence de cet intrus à nos tables familiales (57% des 25-34 ans, 42% des 35-49 ans et 32% des 50-64 ans).
- Si passer des heures d’affilée devant un écran pour regarder des séries est un loisir plus occasionnel que régulier pour les plus de 25 ans, 47% des 15-17 ans et 38% des 18-24 ans sont des adeptes très réguliers du binge-watching.
- Près d’1 Français sur 2 (48%) reconnaît qu’il lui arrive de consulter son mobile ou sa tablette toutes les 10 minutes pour être sûr de ne pas passer à côté d’un message ou d’une notification. Et c’est une habitude pour les moins de 35 ans (76% des 15-17 ans, 73% des 18-24 ans, 68% des 25-34 ans).
- Et 55% affirment qu’en règle générale, ils répondent à un message (SMS ou mail) en moins de 30 minutes (dont 27% en moins de 5 minutes et 38% moins de 10 minutes !). En somme, un dialogue permanent, qui ne souffre pas d’attendre.
Une difficulté à observer les choses telles qu’elles sont ?
De la plupart de ces pratiques dont on peut interroger la « nature raisonnable » lorsqu’elles sont fréquentes voire habituelles, une majorité de Français estime qu’elles ne présentent pas de risque ou, si peu, que chacun fait ce qu’il veut… interrogeant ce faisant notre capacité à identifier correctement là où débute et là où s’arrête une connexion excessive pour notre santé, notre relation aux autres ou notre capacité d’attention :
- Près de 3 sur 4 estiment que le réflexe matinal de l’écran, dès le réveil (74%), et l’utilisation simultanée de plusieurs écrans pendant qu’on regarde un programme TV ou un film (72%) ne présentent aucun risque ou si peu que chacun fait ce qu’il veut ;
- Un peu plus d’1 sur 2 adoptent la même attitude au sujet du binge-watching (55%) et de la consultation compulsive des écrans pour être sûr de ne rien rater (54%).
Et l’écran semble être devenu indispensable à tel point que même lorsque l’on (re)connaît le risque, pour soi ou pour les autres, certains ne peuvent s’en empêcher :
- Les parents, convaincus de l’impact du temps passé devant les écrans sur la santé physique et mentale de leurs enfants (87%, dont 56% en sont certains), sont 77% à déclarer faire attention à leurs comportements en présence de leurs enfants, notamment lorsqu’ils sont jeunes (moins de 6 ans). Si la plupart des parents estiment plutôt donner le bon exemple, leurs pratiques diffèrent pourtant bien peu de celles des adultes sans enfant. Comme les non parents, il leur arrive de consulter un écran pendant un repas en famille (20%, pour 19% des non parents), alors que 66% jugent la pratique inacceptable. Et s’il est minoritaire, l’écran « nounou-doudou » est loin d’être rare : 14% des parents admettent qu’il leur arrive de faire patienter ou de calmer un enfant en le mettant devant un écran, et 8% l’utilisent pour faire manger leurs enfants ou les aider à s’endormir.
Les écrans sont en revanche parfois des sources de gêne sociale qui irritent ou agacent. Dans ce cas, les Français le disent : près d’1 Français sur 3 (31%) fait l’objet de reproches de la part de ses proches au motif qu’il passe trop de temps devant les écrans. Adeptes (addicts ?) des écrans, les adolescents sont les plus nombreux à faire l’objet de ces reproches (66% des 15-17 ans). Mais pas les seuls : un quart des 35-64 ans est également concerné.
Hors sécurité routière et risques pour les enfants, les écrans suscitent donc ponctuellement l’agacement, mais peu d’inquiétude ou de vigilance. Faute, peut-être, de disposer des outils et repères pour en évaluer le risque.