Confiance dans les médias : un rebond perturbé par les Gilets Jaunes

Depuis une dizaine d’années, la confiance dans les médias s’érode régulièrement, partout dans le monde. Et le phénomène s’est accéléré à partir de 2016, avec l’avènement des fake news. En 2018 cependant, les médias traditionnels ont enregistré un indéniable rebond – sauf en France, ou le traitement du mouvement des Gilets Jaunes est à nouveau venu questionner leur crédibilité.

2018, point d’inflexion

En 2016 et 2017, entre les diatribes de Trump et les tentatives de désinformation orchestrées par l’Iran ou la Russie, rien ne semblait pouvoir freiner la chute de la confiance dans les médias. Mais 2018 a marqué une inflexion dans cette tendance, avec un regain de confiance dans les médias traditionnels.

C’est ce qui ressort de la dernière édition du Digital News Report réalisé par le Reuters Institute (74 000 personnes interrogées dans 37 pays). Au niveau mondial, le pourcentage de répondants qui disent avoir confiance dans les médias traditionnels progresse d’un point par rapport à l’année précédente (45%). Dans le même temps, la confiance accordée aux réseaux sociaux diminue fortement.

L’édition 2019 du Baromètre de la confiance Edelman (33 000 personnes interrogées dans 27 pays) enregistre également ce retournement : après deux années de forte dégradation, la confiance dans les médias traditionnels regagne 4% sur un an. Et leur usage progresse très fortement : il passe de 26% à 40%. Des résultats qui confirment, à l’échelle mondiale, ceux d’une étude de Gallup centrée sur le marché US.

Dans un contexte de désinformation généralisée, qui poussait ces dernières années le public à rejeter les médias dans leur ensemble, un tri semble donc s’opérer : les consommateurs se tournent davantage vers les médias traditionnels, perçus comme plus crédibles, et concentrent leurs critiques sur les médias sociaux – entachés en 2018 de multiples scandales.

En France, l’effet Gilets Jaunes

Mais la confiance est un édifice fragile, et en France, le vent des Gilets Jaunes est venu la balayer. L’année commençait plutôt bien : l’enquête Reuters citée plus haut, réalisée en février, établissait une progression marquée de la confiance, qui, à 35%, gagnait 5% par rapport à 2017.

Mais deux enquêtes plus récentes montrent qu’en quelques mois, ce gain s’est transformé en perte. L’édition 2019 du Baromètre de la confiance politique que vient de publier le CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) crédite les médias de leur plus mauvais score depuis dix ans : seuls 23% des Français interrogés leur font confiance (en baisse de 1%).

Et le Baromètre 2019 de la confiance des Français dans les media (Kantar pour La Croix), publié le 24 janvier, est encore plus cruel. S’il montre que l’intérêt pour l’actualité se renforce (à 67%, + 5 points), il traduit un véritable effondrement de la confiance dans l’ensemble des médias : – 6 points sur un an pour la radio (à 50%), – 8 pour la presse écrite (44%) et – 10 pour la télévision (38%).

Ce recul, qui amène les médias traditionnels à leur plus bas historique, est directement lié au traitement du mouvement des Gilets Jaunes : un tiers seulement des personnes interrogées l’estime satisfaisant. Il est reproché aux médias d’avoir dramatisé les évènements (67% des personnes interrogées) et d’avoir laissé trop de place à des gens exprimant un point de vue extrême (52%).

Plus largement, le mouvement des Gilets Jaunes a traduit, parfois très violemment, une défiance inédite à l’égard des journalistes. Et certains médias ont reconnu les difficultés qu’ils avaient rencontrées pour couvrir objectivement ces actions spontanées et dispersées, géographiquement comme idéologiquement.

Même si la tension semble être retombée, la fracture semble bien réelle entre une partie des Français et les médias. Combien de temps faudra-t-il pour la réduire ?