Budget : la communication impossible ?

Tous les gouvernements s’y sont heurtés. Tous ou presque ont été confrontés à la difficulté d’expliquer simplement cet exercice politique majeur. Et l’an 1 est encore plus signifiant tant il donne le la à la perception de la politique suivie. Le « bouclier fiscal » de 2007 ou le « matraquage fiscal » de 2012 n’ont jamais pu être effacés dans l’opinion. Il est trop tôt bien sûr pour déterminer avec précision l’impression qui restera inscrite chez les Français après la présentation du budget 2018 : Sentiment d’injustice ou coup de pouce au pouvoir d’achat ? Coupes dans les dépenses ou baisses d’impôts ? Flat tax ou suppression progressive de la taxe d’habitation ? Baisse des cotisations salariales ou hausse de la CSG ? Aménagement de l’ISF pour les plus riches ou pragmatisme sur l’ISF pour que les hauts revenus investissent davantage ? A chaque fois, un peu des deux sans doute sous l’effet du « en même temps » et compte-tenu du regard différent que l’on porte en fonction de sa situation personnelle.

Car la complexité de la communication sur le budget réside toujours dans cette équation. Le budget cela concerne l’Etat et cela me concerne directement. Si en tant que citoyen je peux trouver une mesure positive, ma lecture du budget sera marquée d’abord par l’impact sur mes finances personnelles. Et à ce stade la communication peine à parler à tous et à chacun. Réduire la dépense publique oui mais toucher au contrat aidé de son association non, considérer que la politique publique du logement fonctionne mal peut-être, mais faire baisser les APL pour ses enfants pourquoi ?

La deuxième difficulté tient aux chiffres. Quel que soit le talent du ministre du budget, et on sentait poindre dans les interviews de Darmanin les traces du Sarkozy 93, l’accumulation des chiffres dans une interview radio ou télé donne le tournis. Depuis la crise de 2008, le montant des dettes souveraines ou l’affaire Kerviel ont fait s’envoler les repères. 200 millions de plus pour les gendarmes et les policiers c’est peut-être important, mais si on le compare au salaire de Neymar, 36 Millions par an, est-ce vraiment un effort suffisant ?

La troisième difficulté tient à l’éparpillement des domaines concernés. 20 ministères, des gagnants des perdants. Si le gouvernement a semblé éviter cette année, les petites batailles de off sur le thème « j’ai moins perdu que le voisin », il est toujours difficile pour le citoyen de porter une vision d’ensemble. On peut d’ailleurs s’étonner que la conférence de presse de présentation du budget ne soit pas portée par le Premier Ministre comme si on voulait conserver à Bercy son statut de République autonome.

Au sommet de ces difficultés vient la question de la crédibilité de la parole politique. Même si le livret du pouvoir d’achat est un objet de communication assez réussi, on sait que la feuille d’impôt ou le bulletin de paie est pour beaucoup le seul juge de paix de ce qui apparait comme des promesses rarement tenues et difficilement évaluables.

Alors y a-t-il une solution miracle ? Non bien sûr, mais le nouvel exécutif a plutôt tenté une communication renouvelée. Sur le logement par exemple, les ministres ont pu commencer à expliquer la volonté politique avant les arbitrages. Cela sera-t-il suffisant pour diminuer le sentiment d’injustice né, confirmé par toutes les enquêtes d’opinion depuis l’annonce du coup de rabot sur les APL ? Sans doute pas, car la communication sur le budget présente cette autre complexité : elle ne se joue pas sur un jour, une conférence de presse, et trois matinales. C’est sur plusieurs semaines, des premiers cadrages avant l’été jusqu’au vote du Parlement, que l’opinion se forge un avis. Une communication au long cours de la conception du budget à son évaluation, une communication pédagogique au-delà des chiffres, une communication globale et individualisée, reconnaissons-le, le budget est sans doute un des exercices les plus complexes auquel un communicant peut être exposé.

Bernard Sananes

Quelques idées :

  • Faire que chaque citoyen puisse le jour même de la présentation du budget calculer ce que serait sa prochaine feuille d’impôt (à périmètre constant) avec les nouvelles dispositions de la loi de finances.
  • Organiser, comme le font plusieurs grandes entreprises, un « press day budgétaire » d’un ou deux jours, où après le Premier ministre qui donnerait la ligne générale, tous les ministres présenteraient dans un même lieu, leur budget à la presse. Cela permettrait aux observateurs d’avoir la vision macro et micro.
  • Permettre dans les semaines précédant les annonces, d’expliquer sur les sites web gouvernementaux, les différents choix possibles et leur impact en fonction des scenarii retenus.
  • Mettre en place des outils de communication modernes, visuels qui permettent de suivre dans l’année l’exécution du budget.