Les Français et la constitution du nouveau gouvernement

La piste envisagée par Michel Barnier d’augmenter les impôts pour les contribuables les plus aisés et les entreprises ayant fait le plus de profits est soutenue par l’opinion

Pour réduire la dette publique, 67% des Français estiment que le nouveau gouvernement de Michel Barnier devrait rétablir l’ISF, 66% qu’il devrait augmenter les impôts pour les entreprises ayant fait le plus de profits et 54% d’augmenter les impôts pour les particuliers les plus aisés uniquement. Seuls 21% des Français considèrent qu’il doit adopter une hausse globale des impôts des entreprises et 9% une hausse globale des impôts pour les particuliers. A noter enfin que seuls 18% des Français ne sont favorables à aucune hausse d’impôts.

On observe un certain consensus dans l’opinion d’un point de vue politique :

  • Le rétablissement de l’ISF, l’augmentation des impôts pour les entreprises ayant fait le plus de profits et pour les particuliers les plus aisés sont approuvés par les électeurs du NFP au 1er tour des Législatives 2024 (respectivement par 81%, 79% et 67%), par les électeurs d’Ensemble (65%, 79%, 62%), de LR (59%, 80%, 59%) comme du RN (69%, 57%, 50%)
  • Une hausse globale des impôts, que ce soit pour les entreprises comme pour les particuliers, n’est approuvée que par une faible minorité d’électeurs : du NFP (respectivement par 24% et 8%), d’Ensemble (20%, 10%), de LR (18%, 7%) et du RN (20% et 7%)
  • Enfin, au sein des principaux électorats, la proportion d’électeurs qui ne sont favorables à aucune hausse d’impôts est faible: RN (21%), LR (16%), Ensemble (12%) et NFP (7%)

On observe également une homogénéité des opinions selon la catégorie socio-professionnelle – cadres (66% ISF, 77% entreprises les plus profitables, 54% particuliers les plus aisés) comme employés/ouvriers (63%, 63%, 51%) – et selon le fait de payer (66%, 70%, 54%) ou non (68%, 62%, 55%) l’impôt sur le revenu.

Le soutien dans l’opinion à ces hausses d’impôts s’inscrit dans un contexte où le sujet de la dette publique a fortement progressé parmi les priorités que les Français adressent à l’exécutif (27%, +16 points depuis janvier 2024)* et où le sentiment qu’il est urgent d’agir pour la réduire est à un niveau élevé (80%) et s’intensifie (39% très urgent, +7 depuis mars 2024)**.

Les Français souhaitent que le nouveau gouvernement adopte une politique de rupture sur les principaux enjeux du pays

Sur l’ensemble des principaux enjeux qui se posent au pays, une large majorité de Français souhaite que le nouveau gouvernement adopte une orientation politique de rupture par rapport au gouvernement précédent : sur la gestion des dépenses publiques et de la dette (73%), l’immigration (70%), le pouvoir d’achat (69%), la santé (67%), la sécurité (66%), la lutte contre les inégalités sociales (65%), l’économie et l’emploi (63%), l’éducation (62%) et l’environnement (56%, même si 42% souhaitent une politique de continuité).

D’un point de vue politique :

  • Les électeurs du NFP et du RN souhaitent massivement une politique de rupture sur l’ensemble de ces sujets
  • Les électeurs d’Ensemble n’ont pas la même opinion selon les enjeux. Ils sont une majorité à souhaiter une politique de continuité sur l’environnement (70%), l’économie/l’emploi (66%) et l’éducation (63%). Ils sont en revanche nettement plus partagés sur la lutte contre les inégalités sociales (56% continuité – 44% rupture), le pouvoir d’achat (55% – 45%), la sécurité (52% – 48%), la santé (49% – 49%), l’immigration (48% – 51%) ; et une majorité (59%) en appelle à une politique de rupture sur la gestion des dépenses publiques et la dette
  • Les électeurs LR se prononcent majoritairement en faveur d’une politique de rupture, sauf sur l’environnement (61% continuité), la lutte contre les inégalités sociales (56%) et ils sont partagés sur l’économie/l’emploi (50% continuité, 50% rupture) et l’éducation (50% – 50%)

Et qu’il soit uniquement constitué de nouvelles personnalités

Concernant la constitution du nouveau gouvernement, 64% des Français estiment qu’il devrait uniquement être constitué de nouvelles personnalités, contre 35% que certains ministres démissionnaires doivent faire partie du nouveau gouvernement.

Une large majorité d’électeurs du NFP (78%) et du RN (78%) souhaitent un renouvellement complet du casting gouvernemental tandis qu’une majorité d’électeurs d’Ensemble (62%) et de LR (56%) estiment que certains ministres démissionnaires doivent rester.

Un gouvernement ouvert allant de la gauche à la droite est privilégié par l’opinion

Concernant la constitution du nouveau gouvernement, 44% (-1 depuis le 11 septembre) préfère que le gouvernement soit composé de personnalités de droite, du camp présidentiel et de la gauche, 12% (=) privilégient un gouvernement de droite et du camp présidentiel sans la gauche et 12% (=) uniquement des personnalités de droite. Enfin, 32% (+1)  déclarent n’avoir aucune préférence.

Un gouvernement large allant de la gauche à la droite est la composition privilégiée des électeurs NFP (74%), d’Ensemble (64%) et de LR (56%).

Les électeurs RN sont quant à eux partagés entre aucune préférence (32%) et un gouvernement uniquement composé de personnalités de droite (30%).

Un Premier ministre et potentiellement des ministres importants issus de LR malgré leur faible score aux Législatives : 61% des Français ne sont pas choqués

Le nouveau Premier ministre Michel Barnier est issu des Républicains, et des personnalités issues de ce parti pourraient être nommées ministre dans le futur gouvernement. A l’issue des élections législatives, Les Républicains ont obtenu 47 députés à l’Assemblée nationale (sur 577, soit 8% des députés). Alors que certaines personnalités et commentateurs dans le débat public évoquent un « hold-up (braquage) démocratique » pour qualifier cette situation, Vincent Jeanbrun, porte-parole des Républicains, refuse cette expression et affirme que « si le Parti socialiste n’avait pas rejeté la candidature de monsieur Cazeneuve, il serait Premier ministre aujourd’hui. On ne peut pas nous accuser de hold-up quand c’est la gauche elle-même qui a refusé la proposition du président de la République. ».

61% des Français ne sont pas choqués par le fait que le nouveau Premier ministre, et potentiellement plusieurs ministres importants, soient issus du parti Les Républicains, dont 44% pas vraiment choqués et 17% pas du tout choqués. A l’inverse, 38% sont choqués, dont 20% plutôt choqués et 18% très choqués.

Cette question clive politiquement entre les électeurs du NFP d’une part qui se disent choqués (74%) et les autres électorats qui à l’inverse ne sont pas choqués : électeurs LR (88%), Ensemble (81%) et du RN (71%).

L’absence de gouvernement 2 mois après les Législatives et 2 semaines après la nomination de M. Barnier divise l’opinion

Le 16 juillet dernier, Gabriel Attal a démissionné de son poste de Premier ministre, ainsi que l’ensemble de son gouvernement. En attendant qu’un gouvernement complet soit constitué, les ministres démissionnaires gèrent les affaires courantes (mais sans prendre de décisions politiques). Depuis sa nomination au poste de Premier ministre il y a près de 2 semaines, Michel Barnier mène des consultations avec des responsables politiques. Pour le moment, le gouvernement complet n’est pas constitué, aucun ministre n’a été nommé. Concernant cette situation, 52% des Français considèrent que cela n’est pas un problème, il vaut mieux que Michel Barnier prenne le temps de constituer un gouvernement stable. A contrario, 47% estiment que cela est un problème, il ne faut pas que la France reste sans gouvernement « de plein exercice » pendant aussi longtemps.

Les électeurs d’Ensemble (75%) et de LR (69%) estiment que cela n’est pas un problème et qu’il faut prendre le temps pour constituer un gouvernement stable tandis que les électeurs du NFP considèrent que c’est un problème de ne pas avoir de gouvernement de « plein exercice » aussi longtemps (67%). Les électeurs du RN sont quant à eux très partagés (51% problème, 49% pas un problème).

Au-delà des clivages politiques, on observe un écart significatif selon la situation financière : les Français qui bouclent leurs fins de mois sereinement (facilement et en épargnant) estiment en majorité que cela n’est pas un problème (60%) mais les Français les plus fragiles économiquement qui sont obligés de puiser dans leurs réserves ou qu’on leur prête de l’argent pour boucler leurs fins de mois ont un regard plus négatif sur la situation (58% cela est un problème).

Nomination de Michel Barnier à Matignon : l’opinion bascule de l’a priori positif à l’expectative

Concernant la nomination de Michel Barnier au poste de Premier Ministre, 32% (-8 points depuis notre sondage ELABE/BFMTV réalisé le 6 septembre, soit au lendemain de sa nomination) des Français estiment que c’est une bonne chose pour le pays, dont 27% (-3) une assez bonne chose et 5% (-5) une très bonne chose. A l’inverse, 29% (=) considèrent que c’est une mauvaise chose, dont 12% (-3) une assez mauvaise chose et 17% (+3) une très mauvaise chose. Une majorité relative de Français suspend désormais son jugement et ne se prononce pas sur cette question (39% n’ont pas d’avis, +8).

Alors que le gouvernement n’a pas encore été constitué 2 semaines après la nomination de Michel Barnier à Matignon, un basculement d’une partie de l’opinion de l’apriori positif (baisse de bonne chose pour le pays) a l’attentisme (hausse de pas d’avis) est observé dans toutes les catégories de population et électorats.

A ce jour, d’un point de vue politique :

  • La majorité des électeurs de LR (75% bonne chose pour le pays) et d’Ensemble (64%) considèrent toujours qu’il s’agit d’une bonne chose pour le pays
  • A contrario, les électeurs du NFP y voient une mauvaise chose (64%)
  • Les électeurs du RN demeurent très partagés (39% pas d’avis, 33% bonne chose, 28% mauvaise chose)

Pour les Français, Emmanuel Macron doit s’effacer et laisser Michel Barnier constituer son gouvernement

A propos du rôle d’Emmanuel Macron dans la constitution de ce nouveau gouvernement, 70% des Français estiment qu’Emmanuel Macron doit s’effacer et laisser Michel Barnier constituer son gouvernement, contre 29% qu’il doit participer aux choix de certains ministres (affaires étrangères, défense, justice, intérieur).

Un retrait souhaité par l’ensemble des principaux électorats (80% RN, 80% NFP, 70% LR) y compris, dans une moindre mesure, par les électeurs d’Ensemble (52%).

Un Président « en retrait » pour la suite de son mandat : plus de 6 Français sur 10 n’y croient pas

L’Elysée assure qu’Emmanuel Macron souhaite se mettre en retrait, c’est-à-dire ne pas participer à la constitution du nouveau gouvernement et aux décisions gouvernementales, et être moins présent dans les médias. Il entend désormais « présider » et non plus gouverner. 62% des Français pensent qu’Emmanuel Macron ne sera pas un Président « en retrait », dont 21% certainement pas et 41% probablement pas. 37% sont d’un avis contraire, dont 29% probablement et 8% certainement.

Un scepticisme partagé par l’ensemble des électorats (NFP 77%, RN 63%, LR 57%), y compris par les électeurs d’Ensemble (56%).

 

(*) Données issues de l’enquête ELABE pour BFMTV réalisée du 5 au 6 septembre 2024
(**) Données issues de l’enquête ELABE pour Les Echos et l’Institut Montaigne réalisée du 10 au 11 septembre 2024

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Crédits image : Commons Wikimedia Leynadmar