Impôts et taxes : plus d’1 Français sur 2 estime qu’il contribue davantage au système qu’il n’en bénéficie
De manière générale, quand ils pensent aux différents impôts et taxes qu’ils paient et aux services et aides dont ils peuvent bénéficier, plus de la moitié des Français estiment contribuer plus au système qu’ils n’en bénéficient (53%, -2 par rapport à octobre 2022), un quart pense qu’ils contribuent autant qu’ils en bénéficient (24%, -1) et seuls 8% (+2) qu’ils bénéficient plus du système qu’il n’y contribuent.
15% (+1) d’entre eux ne se prononcent pas sur le sujet.
Si le sentiment de davantage contribuer au système reste majoritaire, on observe une baisse lente mais constante depuis la période des « Gilets jaunes » (de 65% en janvier 2019 à 53% aujourd’hui). Depuis octobre 2022 ce sentiment baisse fortement chez les 25-34 ans (47%, -10) et dans une moindre mesure chez les employés/ouvriers (52%, -5).
A date, d’un point de vue sociodémographique, ce sentiment est majoritaire dans toutes les catégories de population. Il est particulièrement présent chez les cadres et professions intermédiaires (61%) et les personnes payant l’impôt sur le revenu (62%).
Seuls les plus jeunes (18-24 ans) sont partagés (31% plus contribuer, 26% autant, 17% plus bénéficier, 26% ne se prononcent pas).
Politiquement, les électeurs de Marine Le Pen estiment majoritairement contribuer plus au système qu’ils n’en bénéficient (66%), une opinion partagée dans une moindre mesure par les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (52%). Les électeurs d’Emmanuel Macron sont quant à eux un peu plus partagés (43% plus contribuer, 32% autant).
42% ont le sentiment que les impôts et taxes ont augmenté depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, 29% qu’ils sont restés stables, 28% qu’ils ont baissé
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, 42% des Français ont le sentiment que les impôts et taxes ont augmenté (dont 22% beaucoup augmenté et 20% un peu augmenté), 29% qu’ils sont restés stables et 28% ont le sentiment qu’ils ont baissé (dont 24% un peu baissé et 4% beaucoup baissé).
Le jugement sur l’évolution des impôts et des taxes depuis 2017 est en partie construite par le positionnement politique : les électeurs d’Emmanuel Macron estiment en majorité qu’ils ont baissé (61%) tandis que les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (52% augmenté) et de Marine Le Pen (50%) ont plutôt le sentiment qu’ils ont augmenté.
A noter que l’on observe aucun différence significative d’un point de vue socio-professionnel, ni entre les Français payant ou non l’impôt sur le revenu.
Un jugement en revanche impacté par la manière dont les sondés bouclent leurs fins de mois : ceux qui doivent se restreindre ont plutôt le sentiment qu’ils ont augmenté (50%) tandis que ceux qui les bouclent sans se restreindre sont plus partagés (36% augmenté, 34% baissé, 30% stables).
Une courte majorité des 18-34 ans a le sentiment que les impôts et taxes ont augmenté depuis la première élection d’Emmanuel Macron (51%), une opinion qui faiblit avec l’âge pour atteindre 30% chez des 65 ans et plus nettement plus partagés (31% stables, 39% baissé).
Si une majorité consent à payer des impôts et des taxes pour financer les services publics, les Français sont très critiques sur la manière dont l’argent public est utilisé
Interrogés sur le système fiscal français, 58% des Français estiment que le paiement des impôts et taxes est justifié car il finance les services publics.
En revanche, le fonctionnement du système et l’utilisation de l’argent du contribuable sont vivement critiqués :
- 78% des Français estiment que le montant des impôts et des taxes n’est pas bien utilisé par les pouvoirs publics
- 78% que les pouvoirs publics ne luttent pas suffisamment contre la fraude fiscale, et 76% contre la fraude sociale
- 76% considèrent que le système fiscal actuel ne permet pas la redistribution des richesses entre les différentes catégories de la population
De plus, l’opinion est plutôt opposée à la généralisation de l’impôt sur le revenu à l’ensemble des ménages (44% d’accord contre 56% pas d’accord).
Dans le détail, on distingue quelques écarts selon les catégories de populations :
- Une majorité des 65 ans et plus (67%) et des cadres (70%) estiment que payer des impôts et taxes est justifié. Politiquement, cette opinion est partagée par les électeurs d’E. Macron (84%) et dans une moindre mesure ceux de J-L. Mélenchon (64%) tandis que les électeurs de M. Le Pen sont plus divisés (46% justifié, 53% pas justifié).
- Le fonctionnement du système (redistribution, lutte contre les fraudes, utilisation de l’argent public) est majoritairement critiquée dans toutes les catégories de population et électorats, y compris par les électeurs d’E. Macron
- Le paiement de l’impôt sur le revenu pour l’ensemble des ménages est notamment rejeté par les femmes (62%, contre 49% des hommes), les 18-24 ans (70% contre 52% à 56% des autres catégories d’âge) et par les employés/ouvriers (62%). Politiquement, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen y sont opposés (66% et 60% pas d’accord) tandis que les électeurs d’Emmanuel Macron y sont plutôt favorables (58%)
Les Français estiment qu’il faudrait en priorité augmenter les dépenses publiques pour la santé et les baisser pour les allocations familiales
Pour les Français, les domaines sur lesquels il faudrait augmenter la dépense publique sont la santé (51%, 3 réponses parmi 18 items) nettement en tête devant l’éducation (32%) et les retraites et la sécurité à ex-aequo (27%).
Derrière ce « quatuor », 2 Français sur 10 citent l’environnement/la transition écologique et énergétique (22%), la justice (20%) et la dépendance/la vieillesse (18%).
Dans le détail :
- La santé est particulièrement citée par les 65 ans et plus (57% des citations) tout comme la dépendance (31%)
- L’éducation est notamment évoquée par les cadres (47%) et les électeurs de J.L Mélenchon (43%).
- Les retraites sont surtout mises en avant par les 50-64 ans (35%, 2ème domaine prioritaire à leurs yeux) et les électeurs de M. Le Pen (38%).
- La sécurité arrivent en 2ème position (derrière la santé) chez les retraités (35%)
A contrario, les domaines sur lesquels il faudrait baisser les dépenses publiques sont les allocations familiales (33%, 3 réponses parmi 18 items) juste devant le numérique (26%), la défense/l’armée et le chômage à ex-aequo (22%) et la culture (19%).
Pour 22% des Français, la dépense publique ne devrait baisser sur aucun des domaines.
Quelques écarts significatifs peuvent être notés :
- Les allocations familiales sont particulièrement citées par les électeurs de M. Le Pen (47%, contre 35% électeurs d’E. Macron et 22% J.-L. Mélenchon)
- La défense/l’armée est principalement citée par les électeurs de J.-L. Mélenchon (39%, contre 15% des électeurs d’E. Macron et 14% de M. Le Pen).
- Les 65 ans et plus sont davantage à ne citer aucun domaine (29%) où il faudrait baisser la dépense publique.
Le regard de l’Institut Montaigne :
Les résultats de cette enquête traduisent la relation complexe qu’entretiennent les Français avec la fiscalité. Si le consentement à l’impôt découle de notre Constitution – article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 – son application est loin d’être garantie. En témoigne cette nouvelle perception de la “contribution publique” en tant qu’investissement direct sur le système étatique, pour lequel une rentabilité est attendue par chacun des citoyens. La récente démarche du gouvernement “en avoir pour mes impôts” accentue cette nouvelle posture et interroge quant à la soutenabilité d’un tel concept, fondamental pour notre démocratie. Symptôme de cette nouvelle perception de notre système fiscal : 42 % des Français ont le sentiment que la fiscalité a augmenté depuis l’élection du président de la République en 2017. Pourtant, son bilan est l’un des plus ambitieux en la matière puisque près de 50 Md€ de baisses d’impôts – dont 26 Md€ à destination des ménages – ont été réalisées en un quinquennat. Avec un bénéfice politique aussi faible auprès des Français, la posture en faveur d’une baisse durable de notre fiscalité ne paraît plus tenable ni légitime. En effet, les enjeux à venir en matière de redressement de nos comptes publics ne laissent plus aucun choix quant à la nécessité de conduire une réflexion juste et ambitieuse sur le niveau et la qualité de la dépense publique. Ces différents éléments de questionnement feront l’objet d’un travail de l’Institut Montaigne dans le courant des prochains mois.
Lisa Thomas-Darbois – Responsable du pôle économie et action de l’État
Télécharger le rapport : Les Français et le système fiscal
Crédits image : Impôt Sur Le Revenu Calculatrice – Pixabay