D’après l’OCDE, un salarié français à temps complet travaille en moyenne 38,7 heures par semaine : 54% des Français jugent que cette durée est juste ce qu’il faut, 29% que c’est trop
D’après l’OCDE, en 2023 en France, un salarié à temps complet travaille en moyenne 38,7 heures par semaine. Concernant cette information, 54% des Français jugent que c’est juste ce qu’il faut, 29% trop et 17% pas assez.
La majorité des actifs (55%) comme des retraités (57%) estiment que cette durée est juste ce qu’il faut. Pour le reste, les actifs sont plus enclins à estimer que ce niveau est trop élevé (33% vs 15% des retraités) tandis que les retraités sont près de 30% à considérer que ce n’est pas assez (28% vs 12% des actifs). Au sein des actifs, une majorité absolue ou relative au sein des différentes catégories socio-professionnelles estiment que ce niveau est juste ce qu’il faut, on observe toutefois que les cadres sont plus nombreux (42%) à considérer que 38,7 heures par semaine est trop élevé (29% des professions intermédiaires, 33% des employés/ouvriers).
40% des actifs en emploi que nous avons interrogés déclarent travailler 36 heures ou moins c’est-à-dire en-dessous de la moyenne calculée par l’OCDE, 43% déclarent travailler autour de cette durée (entre 37h et 40h) et 17% significativement plus (41h ou plus). Il est intéressant de noter que le jugement des actifs en emploi sur cette durée de 38,7 h est corrélé à la durée hebdomadaire qu’ils consacrent eux-mêmes au travail :
- Les actifs qui déclarent en moyenne travailler 36 heures par semaine ou moins sont partagés entre juste ce qu’il faut (51%) et trop (42%)
- Ceux qui déclarent travailler autour de la durée calculée par l’OCDE, soit entre 37 et 40 heures par semaine, sont une nette majorité à juger que c’est juste ce qu’il faut (64%)
- Au-delà de 40 heures travaillées par semaine en moyenne, ils sont davantage partagés entre juste ce qu’il faut (47%) et pas assez (35%)
Enfin, d’un point de vue politique, la majorité des électeurs du NFP (au 1er tour des Législatives 2024) estiment que c’est trop (56%) tandis que les autres électorats considèrent que c’est juste ce qu’il faut : électeurs d’Ensemble (61% et 27% pas assez), de LR/UDI/DVD (57% et 38%) et du Rassemblement National (57% et 21%).
47% des Français ont le sentiment que l’on travaille autant que dans les autres pays développés, 39% que l’on travaille moins
En termes de nombre d’heures travaillées par les personnes en emploi, 47% des Français ont le sentiment que l’on travaille autant que dans les autres pays développés, 39% que l’on travaille moins et 14% plus.
Les actifs sont une courte majorité à avoir le sentiment que l’on travaille autant (52%) que dans les autres pays développés, les retraités que l’on travaille moins (55%).
Une perception qui diffère selon le vote :
- Les électeurs du NFP ont majoritairement le sentiment que l’on travaille autant que les autres (59%)
- Les électeurs de droite (63%) et d’Ensemble que l’on travaille moins (59%)
- Les électeurs du Rassemblement National sont quant à eux partagés (46% moins, 40% autant)
A noter qu’en 2023, l’OCDE indique que les personnes occupant un emploi à temps complet travaillent en France 38,7 heures par semaine en moyenne, soit une durée inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE (40,3 h), des Etats-Unis (41,2) et de la plupart des autres pays de l’Europe de l’Ouest : Royaume-Uni (40,9), Italie (39,5), Espagne (39,3), Allemagne (39,2), sauf la Belgique (38,6).
Source : OCDE, 2023, explorateur des données de l’OCDE, https://data-explorer.oecd.org/
3 actifs sur 4 déclarent faire régulièrement ou de temps en temps des heures supplémentaires
L’impossibilité d’en faire (l’entreprise ne le propose pas) et le souhait de privilégier du temps pour soi et ses proches sont les principales causes évoquées par les salariés qui ne font pas d’heures supplémentaires
76% des salariés déclarent qu’il leur arrive de faire des heures supplémentaires, dont 37% régulièrement et 39% de temps en temps. A l’inverse, 24% déclarent ne (presque) jamais en faire. Les cadres (47%) sont plus nombreux que les professions intermédiaires (39%) et les employés/ouvriers (31%) à déclarer faire régulièrement des heures supplémentaires.
Les causes évoquées par les salariés qui ne font (presque) jamais d’heures supplémentaires sont : cela n’est pas proposé au sein de leur entreprise (44%, soit 33% de l’ensemble des salariés) devant le souhait de ne pas travailler davantage pour avoir du temps pour soi et les proches (27%, soit 21%), le fait que ce n’est pas assez payé (14%, soit 11%), le manque de reconnaissance « mon travail n’est pas assez reconnu, mon entreprise ne mérite pas que je fournisse des efforts supplémentaires » (11%, soit 8%), des raisons de santé ou de fatigue (9%, soit 7%) et des raisons familiales (9%, soit 7%).
« La quantité d’heures travaillées ne suffit plus pour financer notre modèle social » : 6 Français sur 10 ne sont pas d’accord avec cette phrase prononcée par le ministre de l’Economie
Le ministre de l’Economie Antoine Armand a récemment déclaré que « la quantité d’heures travaillées ne suffit plus pour financer notre modèle social ». 59% des Français déclarent ne pas être d’accord avec cette phrase, dont 32% pas vraiment d’accord et 27% pas du tout d’accord. A l’inverse, 40% sont d’accord, dont 27% plutôt d’accord et 13% tout à fait d’accord.
On observe également sur cette question un écart significatif entre les actifs qui ne sont majoritairement pas d’accord avec cette phrase prononcée par le ministre de l’Economie (62%) et les retraités qui sont une courte majorité à l’approuver (51%).
Ce constat dressé par le ministre de l’Economie clive d’un point de vue politique : il est partagé par les électeurs de droite (76%) et d’Ensemble (65%) mais pas par les électeurs du NFP (83%) et dans une moindre mesure du RN (59%).
Pour réduire le déficit, 43% des Français rejettent toute mesure d’augmentation du temps de travail
L’augmentation hebdomadaire est privilégiée à la journée de solidarité et le report de l’âge de départ à la retraite
Pour réduire le déficit public, 43% des Français estiment qu’il faut en priorité augmenter le temps légal de travail hebdomadaire, 31% qu’il faut en priorité instaurer une journée de solidarité en remplacement d’un jour férié et 22% reporter l’âge de départ à la retraite. A contrario, 43% des Français estiment qu’il ne faut adopter aucune de ces mesures.
Dans toutes les catégories de population et électorats, l’augmentation du temps de travail hebdomadaire est la mesure qui est jugée, en comparaison, la plus prioritaire, le report de l’âge de départ à la retraite la moins prioritaire.
Ces 3 mesures sont globalement plus soutenues par les retraités que par les actifs, c’est notamment le cas de l’augmentation du temps légal de travail hebdomadaire (53% des retraités jugent cette mesure prioritaire pour réduire le déficit, contre 40% des actifs) et de l’instauration d’une journée de solidarité en remplacement d’un jour férié (39% vs 28%). Ainsi, 46% des actifs estiment qu’il ne faudrait en adopter aucune, contre 34% des retraités.
Politiquement :
- La majorité des électeurs de droite et d’Ensemble estiment qu’il est prioritaire d’augmenter le temps de travail hebdomadaire (respectivement 61% et 54%) et d’instaurer une journée de solidarité (48% et 50%)
- A l’opposé, la majorité des électeurs du NFP considère qu’il ne faut adopter aucune de ces mesures (57%)
- Entre ces deux blocs, les électeurs du RN sont globalement proches de la moyenne des Français, 47% se prononcent pour l’augmentation hebdomadaire, 23% la journée de solidarité, 23% le report de l’âge de départ à la retraite et 45% aucune de ces mesures.
Le regard de l’Institut Montaigne :
En plein débat parlementaire sur le budget 2025, la question du temps de travail des Français ressurgit comme source potentielle de croissance et de financement de notre Etat-providence alors que le déficit de la sécurité sociale est estimé à près de 18 Md€ en 2024.
Pourtant, selon notre sondage, six Français sur dix rejettent l’idée, avancée par le ministre de l’Économie, selon laquelle il faudrait augmenter la durée de travail pour financer notre modèle social. Ce chiffre résonne particulièrement avec les conclusions de la dernière note de l’Institut Montaigne « Finances publiques : la fin des illusions ». Elle soulignait une prise de conscience insuffisante des Français quant à l’état des finances publiques et aux réformes indispensables pour corriger leur trajectoire, en particulier en ce qui concerne les réformes sociales. Le creusement du déficit du régime des retraites, qui a contribué aux deux tiers de la hausse de la dette publique au cours des trente dernières années, illustre cette problématique.
Enfin, pour réduire notre déficit public, le sondage Elabe mesure que 43% des Français rejettent toute mesure d’augmentation du temps de travail. Une augmentation hebdomadaire est privilégiée à la journée de solidarité et le report de l’âge de départ à la retraite. Pour rappel, l’Institut Montaigne a estimé les gains tirés d’un recul de l’âge de départ à la retraite à 66 ans à 30 milliards d’euros d’ici 2050. Mais là encore, l’opinion publique n’est pas prête à faire de compromis alors que les bénéfices budgétaires sont réels. La faute à un manque de vision et de cap politiques solides pour les prochaines années ?
Lisa Thomas-Darbois | Directrice des études France
Télécharger le rapport : Les Français et la durée de travail
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