Des Français très inquiets pour l’ensemble des champs de l’économie française et pour la dette publique, une inquiétude en nette hausse par rapport à juin 2023
84% (+5 par rapport au 1er juin 2023) des Français sont inquiets pour la situation économique du pays, 80% (+9) pour le niveau de la dette publique, 66% (-1) pour leur propre situation financière. Dans une moindre mesure, 39% des actifs (+2) sont quant à eux inquiets pour leur emploi.
Alors que l’inquiétude enregistrait un recul significatif en juin dernier, elle retrouve un niveau similaire aux mesures d’août 2022, période marquée par un contexte de crise géopolitique et de forte inflation notamment sur l’énergie.
Cette hausse est présente au sein de toutes les catégories de population et électorats et de manière particulièrement prononcée chez les employés/ouvriers (respectivement 86%, +11 situation économique ; 80%, +14 niveau de la dette) et les professions intermédiaires (85%, +10 ; 83%, +23).
A ce jour, l’inquiétude macro-économique traverse l’ensemble des pans de la société mais la situation économique du pays et le niveau de la dette publique inquiète plus sensiblement les électeurs de M. Le Pen (respectivement 91% et 89%) et de V. Pécresse (91% et 89%). Les 50 ans et + expriment également une plus grande crainte à propos du niveau de la dette publique (86% contre 67% à 78% pour les autres catégories d’âge).
L’inquiétude pour son pouvoir d’achat reste fortement corrélée à la situation financière en fin de mois : 89% des personnes qui déclarent se restreindre sont inquiètes pour leur situation financière (dont 46% très inquiètes), contre 51% des Français qui bouclent facilement leurs fins de mois mais sans épargner et « seulement » 29% des Français qui parviennent à épargner.
Dans ce contexte, 4 Français sur 5 estiment désormais qu’il est urgent de réduire la dette publique en France
80% (+4 points depuis le 5 octobre dernier) des Français jugent urgent de réduire la dette publique en France, dont 32% (+7) très urgent et 48% (-3) assez urgent. A l’inverse, 19% (-5) considèrent que cela n’est pas urgent, dont 16% (-5) pas vraiment et 3% (=) pas du tout.
Le sentiment d’urgence à agir est majoritaire dans toutes les catégories de population et électorats et augmente significativement parmi les professions intermédiaires (80%, +13) et les employés/ouvriers (82%, +7).
Politiquement, les électeurs de V. Pécresse (91%, =) et d’E. Macron (90%, +7) demeurent plus nombreux à exprimer l’urgence à agir et sont rejoints désormais par les électeurs de M. Le Pen (86%, +12) tandis que les électeurs de J.L Mélenchon (57%, -1) restent plus mesurés.
Les allocations familiales, le numérique et le chômage sont les 3 postes de dépense qu’il faudrait baisser en priorité pour les Français
Pour les Français, les allocations familiales (32% -4 par rapport au 5 octobre 2023, 3 réponses parmi 18 items) restent le domaine prioritaire sur lequel il faudrait baisser la dépense publique, suivies de près par le numérique (31%, +4) et le chômage (30%, +2). Un trio de tête qui reste inchangé depuis octobre dernier.
Derrière ce trio, plus de 2 Français sur 10 citent également la culture (25%, +2) et l’environnement, la transition écologique et énergétique (21% +3).
Pour 14% (-2) seulement, la dépense publique ne devrait baisser sur aucun des 17 domaines testés.
Pour les principaux électorats, les 3 postes de dépenses à baiser en priorité sont :
- Electeurs de J-L. Mélenchon : défense (34%), numérique (27%) et sécurité (22%)
- Electeurs d’E. Macron : chômage (38%), allocations familiales (33%) et culture (33%)
- Electeurs de M. Le Pen : allocations familiales (40%), chômage (36%) et environnement (35%)
Quelques écarts significatifs peuvent être notés d’un point de vue sociodémographique :
- Les allocations familiales sont particulièrement citées par les professions intermédiaires (43%) et les cadres (42%)
- Le numérique est principalement citée par les 65 ans et plus (38% contre moins de 30% des moins de 65 ans)
- La culture et l’environnement, la transition écologique et énergétique sont davantage priorisés par les plus de 50 ans (34% et 27%)
« 10 milliards d’euros d’économie » : les mesures qui touchent aux dépenses de l’Etat sont nettement approuvées tandis que celles qui impactent les collectivités locales et la population divisent davantage
Dans la perspective de maitriser le déficit public et les dépenses de l’Etat, les mesures annoncées par le ministre de l’Économie le 18 février dernier, rencontrent un succès partiel. Trois groupes de mesures se distinguent :
Celles qui sont nettement approuvées :
- 80% des Français sont favorables à la baisse des dépenses de fonctionnement de tous les ministères (énergie, achats, mobiliers, report de recrutements, réduction des déplacements), dont 45% tout à fait
- 71% à la réduction du budget de Business France (institution publique qui accompagne les entreprises françaises à l’international et les entreprises étrangères en France), dont 20% tout à fait
- 70% à la réduction du budget du Centre national d’études spatiales (institution publique qui gère le programme spatial français), dont 20% tout à fait
Celles qui divisent
- 51% sont favorables à la baisse du budget alloué au fond vert (qui aide les collectivités territoriales à lutter contre le changement climatique) contre 48% opposés
- 50% à la réduction du budget de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (institution publique qui aide les collectivités locales dans leurs projets en faveur du dynamisme économique) contre 49% opposés
- 47% à la réduction du budget alloué à MaPrimeRénov’ (aide de l’État à destination des propriétaires qui souhaitent réaliser des travaux de rénovation énergétique au sein de leur logement) contre 51% opposés
- 46% à la participation forfaitaire (10% du coût de la formation) des salariés pour bénéficier d’une formation avec le compte personnel de formation (CPF) contre 53% opposés
Celle rejetée :
- 64% à la réduction du budget de France Compétences (institution publique qui finance la formation professionnelle et l’apprentissage)
Quelques écarts significatifs peuvent être notés :
- La baisse des dépenses de fonctionnement de tous les ministères est approuvée par l’ensemble des électorats y compris les électeurs d’E. Macron (88%)
- La baisse du budget alloué au fond vert rencontre l’opposition d’une majorité d’électeurs de J-L. Mélenchon (58% opposés ; 42% favorables) et de Y. Jadot (79% opposés), mais est soutenue par les autres électorats (54% E. Macron, 60% M. Le Pen, 66% V. Pécresse et 87% E. Zemmour)
Seul l’électorat d’E. Macron (62%) est favorable à la participation forfaitaire salariés pour bénéficier d’une formation avec le compte personnel de formation
Les autres pistes évoquées dans le débat public sont majoritairement rejetées par l’opinion
4 autres mesures, évoquées dans le débat public pour réduire les dépenses publiques, rencontrent l’opposition d’une majorité de Français :
- La désindexation des pensions de retraite (83% opposés, dont 50% très opposés)
- La baisse du nombre de maladies de longue durée (ALD) sur la liste établie par le ministère de la Santé qui sont remboursées à 100% (72% opposés)
- La suppression de l’indemnité carburant travailleur (59% opposés)
- La réduction des prises en charge des déplacements médicaux par taxis (56% opposés)
Ces mesures sont majoritairement désapprouvées dans la plupart des catégories de population et électorats, quelques différences peuvent toutefois être notées :
- De manière générale, sur l’ensemble de ces mesures, les Français qui doivent se restreindre pour boucler leurs fins de mois y sont davantage opposés que ceux qui ne doivent pas se restreindre (+6 à +18 points selon les mesures). L’écart le plus important entre ces deux populations est mesuré sur la suppression de l’indemnité carburant travailleur (71% d’opposition chez les premiers, contre 53% chez les seconds).
- Politiquement, les électeurs de Marine Le Pen (60% à 91% opposés selon les mesures) et de Jean-Luc Mélenchon (62% à 81%) sont en majorité opposés à ces mesures tandis que les électeurs d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse sont opposés à la désindexation des pensions de retraite (respectivement 77% et 85% opposés) et à la réduction du nombre d’ALD intégralement remboursées (66% et 75%) mais ils sont plus partagés voire majoritairement favorables à la suppression de l’indemnité carburant travailleur (48% et 63% favorables) et à la réduction des prises en charge des déplacements médicaux par taxis (57% et 56%)
- La désindexation des retraites est particulièrement rejetée par les retraités (92% opposés, dont 67% très opposés), en particulier par les retraités qui doivent se restreindre pour boucler leurs fins de mois (ils représentent 1 retraité sur 3, 96% opposés, dont 73% très opposés), mais à noter que les actifs y sont aussi massivement opposés (80%, dont 42% très opposés)
- La réduction du nombre d’ALD remboursées à 100% rencontre une opposition forte chez les 65 ans et plus (79%, contre 59% chez les 18-24 ans)
Le regard de l’Institut Montaigne :
« Depuis quelques semaines, les annonces du ministre de l’Économie et des Finances se multiplient sur le front de nos finances publiques : baisse des dépenses de 10 Md€ pour le budget 2024 et sans doute 20 Md€ d’économies supplémentaires à trouver pour le budget 2025. Ce contexte politique renforce l’inquiétude des Français qui sont, selon les résultats de notre sondage Elabe, désormais 84% à se dire inquiets pour la situation économique du pays.
Un fait particulièrement notable demeure la réaction d’une partie des classes moyennes françaises à cet enjeu financier. Ce sont en effet les « professions intermédiaires » pour lesquelles l’inquiétude est la plus marquée. Conscientes que les choix budgétaires à venir pourraient se faire au péril de leur aspiration financière et sociale, elles sont désormais 83% à s’inquiéter du niveau de la dette publique, soit 23 points de plus qu’en juin 2023. Leur fort attachement pour la méritocratie et un certain rejet de « l’assistanat social » les conduisent ainsi à privilégier certaines réductions de dépenses pour rétablir les comptes publics. Elles sont ainsi 43% à estimer que les allocations familiales sont le domaine prioritaire sur lequel baisser la dépense publique, contre 32% pour l’ensemble des Français. »
Lisa Thomas-Darbois | Directrice adjointe des études France
Télécharger le rapport : Les Français et la dette publique
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